Revue internationale des sciences sociales N° 180, juin 2004

Les formes traditionnelles d'organisation des systèmes de recherche sont soumises à de nombreuses pressions du fait des contraintes financières, de l'internationalisation, de l'évolution des disciplines et du souci croissant de mettre la recherche, y compris en sciences sociales, en phase avec les enjeux sociétaux émergents. Dans la quête d'une recherche qui soit à la fois de haute qualité scientifique et de grande pertinence sociétale, l'évaluation occupe une place centrale.
Or, dans la réflexion actuelle sur l'évaluation, une notion d'excellence - moins évidente qu'il n'y parait - joue un rôle majeur. À première vue, nul ne saurait s'opposer à l'excellence. Qui, après tout, se ferait le promoteur de recherches ineptes, médiocres, ou même simplement acceptables ? Mais dans les usages contemporains, " excellence " a un sens comparatif plutôt qu'absolu. Les chercheurs, les projets, les institutions sont " excellents " pour autant qu'ils figurent parmi les meilleurs.
Peut-on promouvoir l'excellence sans que le soutien préférentiel apporté aux meilleurs ne crée à leur profit des rentes de situation pérennes et des facteurs paradoxaux de sclérose ? Ce numéro comporte également un deuxième dossier thématique sur la reconceptualisation de la pauvreté. Dans le langage officiel de la communauté internationale, on fait aujourd'hui de l'extrême pauvreté une violation des droits humains.
Est-ce cohérent ? Et qu'est-ce qui en découle si l'on prend cette affirmation au sérieux ? Si les droits humains, déjà formellement reconnus, impliquent un droit fondamental de ne pas être enfermé dans l'extrême pauvreté, peut-on admettre que ceux qui en souffrent n'aient aucun droit positif à faire valoir ? Mais, inversement, si l'extrême pauvreté doit être justiciable, à qui incombe la responsabilité de son élimination ?