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Ils ont été appelés en Algérie au moment des « événements », en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies.
Mais parfois il suffit de presque rien, d'une journée d'anniversaire en hiver, d'un cadeau qui tient dans la poche, pour que, quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.
Des hommes a reçu le prix des Libraires et le prix Initiales en 2010.
« Des hommes, magnifique et bouleversant lamento collectif, n'est pas un roman sur la guerre d'Algérie, c'est un livre où parlent tous ceux qui ne trouveront jamais la paix.
C'est un livre sur la guerre qui continue après la guerre. Aussi violente, sanglante, et injuste, elle est désormais intérieure, comme une hémorragie interne dont on ne guérit pas. Même si Laurent Mauvignier raconte, avec une force et une précision incroyables, les derniers combats entre l'armée française et le FLN, le traumatisme qu'il décrit est le même que celui dont ont souffert, à en devenir fous, à en mourir, les rescapés du Chemin des Dames ou les vétérans du Vietnam.
C'est le septième livre de Laurent Mauvignier.
Le plus accompli, le plus torrentiel, le plus étourdissant, celui qui les rassemble tous. [.] Sa prose, étonnante, organique et polyphonique, mêle les récits de tous les anonymes pour n'en faire qu'un. » (Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur)
Des Hommes - Laurent Mauvignier - Minuit (09/2009)
La "Guerre d'Algérie" ou plutôt, par une pirouette politique de la litote, les "événements d'Algérie".
Terrible figure de style, comme la matrice du dernier roman de Mauvignier. On y plonge au cœur du conflit, des Hommes.
Au cœur des hommes ordinaires, comme vous et moi, ni pires ni meilleurs, que la litote officielle n'a pas suffi à re-construire, à réparer tout à fait. Des hommes face à l'inhumain, des hommes qui peinent à se penser, qui peinent à se dire et à s'écrire ; des hommes face à l'indicible : "on pleure dans la nuit parce qu'un jour on est marqué à vie par des images tellement atroces qu'on ne sait pas se les dire à soi-même" (page 268).
Loin des manuels d'Histoire, les personnages de Mauvignier nous aident à mieux appréhender les silences fracassants de ces appelés d'Algérie (ou d'ailleurs) qui ne sont jamais vraiment revenus de leur passé et jamais vraiment entrés dans leur présent : "peut-être que ça n'a aucune importance, tout ça, cette histoire, qu'on ne sait pas ce que c'est qu'une histoire tant qu'on n'a pas soulevé celles qui sont dessous et qui sont les seules à compter, comme les fantômes, nos fantômes qui s'accumulent et forment les pierres d'une drôle de maison dans laquelle on s'enferme tout seul, chacun sa maison, et quelles fenêtres, combien de fenêtres ? Et moi, à ce moment-là, j'ai pensé qu'il faudrait bouger le moins possible tout le temps de sa vie pour ne pas se fabriquer du passé, comme on fait, tous les jours ; et ce passé qui fabrique des pierres, et les pierres, des murs (page 270).
Quel bouleversant prétexte littéraire, aussi, pour Mauvigner : une matière, une glaise encore très sensible que l'écrivain travaille et malaxe, jusqu'à nous livrer ce style et ce langage particuliers qui cherchent à traduire (au mieux ?)la confusion de ces hommes d'un côté, puis sa transcription dans l'écriture de l'autre.
Coup de cœur de la rentrée littéraire, sans aucun doute !