Il ne reste presque plus rien à La Bassée : un bourg et quelques hameaux, dont celui qu'occupent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu'une voisine, Christine, une artiste installée ici depuis des années.
On s'active, on se prépare pour l'anniversaire de Marion, dont on va fêter les quarante ans. Mais alors que la fête se prépare, des inconnus rôdent autour de la maison.
Laurent Mauvignier livre un roman magistral.
Dans le thriller façon Mauvignier, le suspense n'est pas, ou si peu, affaire d'action. C'est une histoire de langage. Si l'un des compliments que l'on adresse fréquemment aux bons polars a trait à la concision de leur style, à l'efficacité d'une langue ramassée tout entière occupée à décrire ce qui a lieu, Histoires de la nuit mérite une pluie d'éloges pour des raisons absolument inverses.
Plus la phrase s'allonge, plus l'angoisse augmente, et plus le lecteur est attentif à ses ondulations, ses changements de rythme, ses relatives et autres volutes digressives - et plus, à nouveau, le suspense s'accroît.
Une seule phrase de l'écrivain peut charrier à la fois les pensées d'un personnage, ce qu'il dit (qui échoue toujours à transmettre l'essentiel), ses déplacements dans l'espace, la lumière, tant de sensations, sans oublier, parfois, une fausse piste pour égarer le lecteur. Certaines scènes, même pas particulièrement porteuses d'enjeux narratifs, sont ainsi étirées au maximum. Cette dilatation produit un effet étonnant, qui teinte d'étrangeté le réalisme du roman, lui donne les allures cauchemardesques d'un conte.
Un conte qui pourrait être tiré de l'épais recueil Histoires de la nuit, dans lequel Marion pioche ce qu'elle lit à Ida au moment du coucher, même si ce n'est pas toujours de l'âge de l'enfant, qui en sort tremblante. (Raphaëlle Leyris, Le Monde)
Les liaisons dangereuses
Un hameau de trois maisons. Dans l’une d’elles, une femme à la retraite, ancienne artiste en vue à Paris, dans une autre, un couple et leur fille de 9 ans, la femme est imprimeuse, le mari est agriculteur, la troisième maison est inoccupée. La tempête gronde, un bruit sourd qui n’attend qu’une pulsion pour assourdir nos protagonistes.
Mauvignier arrive avec brio à donner corps à ses personnages, il les sculpte et les habite. Il tire vers le thriller tout en donnant à son histoire une dimension qui dépasse le hameau pour venir habiter le monde.