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L'enseignement de la morale à l'école a longtemps été justifié par la nécessité de former des bons citoyens-soldats, bouleversés à la vue du drapeau national, connaissant La Marseillaise par cour, et prêts à verser l'"impôt du sang" pour défendre la patrie contre ses ennemis extérieurs. Aujourd'hui, il semble plutôt dirigé contre un ennemi intérieur, une classe dangereuse qui ne partagerait pas les "valeurs de la République".
Lorsque Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, proclame un peu partout dans la presse qu'il est nécessaire de restaurer un enseignement de morale "laïque" à l'école, ce n'est évidemment pas parce qu'il s'inquiète de l'immoralité des élèves de Louis-Le-Grand ou d'Henri-IV ! Le projet est clairement dirigé contre les barbares des quartiers, ceux qui sont supposés "pourrir l'école" par leur indiscipline.
Il vise aussi (et peut-être même surtout) à séduire ceux que le flot de propos alarmistes sur la violence scolaire et la "montée de l'intégrisme" inquiète ou effraie. Dans cette version moderne, dirigée contre l'ennemi intérieur, l'idée qu'il est nécessaire de faire revenir la morale à l'école laïque (ou de faire revenir la morale laïque à l'école, ce qui n'est pas la même chose en réalité) dépasse les clivages politiques.
Elle semble désormais enracinée dans les pensées de tous, à droite comme à gauche. Mais elle repose, au fond, sur une idée profondément conservatrice : le principal problème qui se poserait à nos sociétés ne serait pas l'existence d'un système économique et social profondément injuste, mais le conflit des valeurs morales.
