La doctrine utilitaire étend aujourd'hui les règles du libéralisme économique à notre procédure pénale. Reprenant l'analyse de Bentham sur les...
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La doctrine utilitaire étend aujourd'hui les règles du libéralisme économique à notre procédure pénale. Reprenant l'analyse de Bentham sur les droits de l'Homme qui ne seraient que des chimères inventées par les philosophes, les utilitaristes ont imposé leur propre représentation de la présomption d'innocence qui n'est plus considérée comme un droit, mais simplement comme un calcul de la procédure en faveur de l'innocence. La présomption peut donc s'inverser. Les réformes entreprises, depuis 1995, ont introduit à cet effet une présomption de culpabilité. Les placements en garde à vue qui ont bondi entre 2004 et 2009 de près de 23%, la promotion de l'aveu dans le cadre d'un plaider-coupable lui-même en progression, la suppression à venir du juge d'instruction et du jury populaire au profit d'un ministère public omnipotent ne sont que les manifestations de l'application de ce calcul utilitaire qui entraîne un recul inquiétant du rôle du juge. Au crépuscule de la justice pénale, la présomption d'innocence disparaît progressivement de l'horizon de notre procédure.
Sommaire
UN DOGME UTILITAIRE : LA "DEPENALISATION"
L'inutilité de la théorie pénale kantienne
Une approche civiliste de la doctrine pénale kantienne
UNE MUTATION UTILITAIRE DE LA PRESOMPTION D'INNOCENCE
La présomption d'innocence utilitaire : une fiction procédurale
Le triomphe législatif de la présomption d'innocence utilitaire
LA SUBSTITUTION DE L'AVEU A LA PRESOMPTION D'INNOCENCE
Une privatisation de l'aveu au profit du Parquet
Une "déjudiciarisation" pénale au profit du ministère public
Eric Gilardeau est avocat à la Cour d'Appel de Paris, maître de conférences habilité à diriger des recherches, auteur de travaux sur la codification, le droit pénal et la philosophie du droit, spécialiste d'Emmanuel Kant.