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À quinze ans, Raymond décide qu’il sera Hemingway ou rien. Et la nouvelle, avec ses silences têtus et ses fins en lame de rasoir, son genre de prédilection. Il a des envies d’ailleurs et la vie devant lui. On est à Yakima, dans le nord-ouest des États-Unis. Autant dire nulle part. Son ambition donne le tournis à Marianne, la petite serveuse de la boutique de donuts. « C’était le truc le plus excitant que j’avais jamais entendu.
Pleine d’assurance, je lui ai dit : “Tu peux compter sur moi, Ray.” » Les deux adolescents se marient quelques mois plus tard. Marianne est enceinte. Raymond n’a pas commencé à boire. Douglas, lui, vient d’obtenir le job de ses rêves : directeur littéraire d’un magazine prestigieux. Les nouvelles qu’il reçoit l’irritent comme un vilain psoriasis. Pour calmer ses démangeaisons, il coupe, réécrit, sculpte avec ses ciseaux.
« C’est leur voix. Leur voix, tu m’entends ? Mais c’est ma signature. » Quand il le rencontre, Ray peaufine son art dans l’alcool depuis près de dix ans et Marianne subvient aux besoins du ménage. Douglas va changer leur vie. Raymond Carver, Maryann Burk-Carver, Gordon Lish et la poétesse Tess Gallagher qui attend son heure en coulisses… Ciseaux raconte leur histoire : dans l’Amérique des années soixante à quatre-vingt, l’accomplissement de deux hommes en proie à une dépendance réciproque, un écrivain et son éditeur qui coupe ses textes au point de les dénaturer.
CISEAUX
Lorsque Carver publia son premier recueil de nouvelles, il devint en quelques années une « star » des lettres américaines… On loua notamment son « minimalisme ». Un succès presque usurpé, puisque son premier éditeur, Gordon Lish, avait complètement retravaillé son manuscrit en le diminuant de moitié… Même si Stéphane Michaka n’utilise que des prénoms, c’est bien cette histoire, celle de Raymond Carver et de sa première femme Maryann qui se trouve au centre de ce roman avec en toile de fond l’alcoolisme de l’écrivain, leur amour immense mais malsain, et surtout le douloureux et long apprentissage du « métier d’écrire ». Au final, reste un dilemme insoluble : ne pas être publié et rester inconnu ou accepter qu’un éditeur dénature son travail et réussir enfin.