Je veux te révéler les principes des choses, te montrer où la nature puise les éléments dont elle crée, fait croître et nourrit toutes choses,...
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Je veux te révéler les principes des choses, te montrer où la nature puise les éléments dont elle crée, fait croître et nourrit toutes choses, ou elle les ramène de nouveau après la mort et la dissolution. I, 55-57.
Dans cet unique exposé systématique de la doctrine épicurienne, Lucrèce nous enjoint à guérir le mal de vivre par la promesse du néant et à soigner notre angoisse par la contemplation des lois d'un monde fruit du hasard, où rien ne se perd ni ne se crée. Composer un traité de physique en vers enluminés de poésie et de beauté, de désespoir et de gaité, tel est le pari réussi du poète philosophe. Lucrèce a réussi à conjoindre deux incompatibles, l'explication et la célébration et s'est autorisé ce prodige immanent, une matière se faisant verbe parce que le verbe se fait matière. Ainsi ne craint-il pas d'établir une analogie entre la nature et son poème. Cette oeuvre signe un recommencement et brille comme une seconde aurore par rapport à l'atomisme grec. Elle nous fait savourer une amère absinthe enrobée de lumière qui influencera pour le meilleur et pour le pire l'idée d'une " maîtrise et possession de la nature ". Et rappelons que ce fut, à raison, le livre de chevet de Montaigne, de Pascal et de Fréderic le Grand.