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Jacques Derrida a introduit la différence et la trace pour déconstruire la métaphysique du présent vivant et le sujet qui en constitue le suppôt. Il a mis la philosophie hors de ses gonds en posant la question de la spectralité (fidélité à Hamlet) et en inventant une pensée intempestive de l'a venir (fidélité à Nietzsche). C'est cette double généalogie (hamléto-nietzschéenne) qui donne son titre au présent recueil : Jacques Derrida, la philosophie hors de ses gonds.
Les contributions qui y sont réunies balisent l'immense chantier qu'il a ouvert Elles visent a soustraire sa pensée aux menaces (forclusion, refoulement, oubli pur et simple) qui pèsent aujourd'hui sur elle, et a renouveler la lecture de ses écrits. Sillonnée par les trains d'affaires - fenêtres bloquées, attachés-cases et complets-cravates -, l'Europe, jadis aimée d'un dieu, n'est plus désormais qu'un "Espace" fait de plusieurs autres empilés ou entrecroisés (espace économique, espace technologique, espace judiciaire - c est-a-dire policier -, espace idéologico-moral), et régi par l'espace virtuel du World Wide Web et de ses Big Data.
Soit, au total, l'espace de la répression de la possibilité même de vivre et de penser. Trans-Europ-Repress, dans son jargon désorthographié, dit la chose comme elle est, et accueille des textes ayant assez de force pour dévoiler et combattre la gestion de l'impossible qui accable notre présent - et plus encore pour parturier cet avenir d'après-la-fin dont le goût marin se répand dans nos imaginations.
