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"Mais c'est tout éveillé qu'il nous faudrait craquer comme la graine crie et se fend, jaillir au-dessus des insectes, des épis, des grands arbres, des grands rocs, des grands nuages oublieux, de la nuit froide et creuse sous qui les astres pendent, enfoncer la croûte du ciel et marcher dans les chemins où nous rencontrerons nos fruits." L'Apprentissage de la ville reprend en 1942 la confession entamée sept ans plus tôt avec Le Bonheur des tristes.
Au-delà de l'amertume et du sarcasme qui le caractérisent, ce "roman" comporte une profonde valeur de témoignage, dénonçant l'aveuglement et la veulerie de la société chavirée au sortir de la guerre, incapable de s'éveiller et de regarder dans son propre tumulte. "La sincérité d'un aveu ne vaut que s'il en coûte à celui qui avoue. Ce livre force les profondeurs et les recoins les plus difficiles de l'aveu et constitue un document humain d'inestimable prix", écrit à son propos Lanza del Vasto.
Culte et mérité
Il y a des livres qui forment une communauté de lecteurs. Celui-ci en fait assurément partie.
Le narrateur commence son récit dans un wagon abandonné dont il a fait son logis avant d'être attaqué sauvagement. Blessé et en sang, c'est une main de femme qui va le sauver. De cette rencontre aux accents quasi mystiques va suivre une série de cahots et de bifurcations qui le feront passer des milieux faubouriens à la grande bourgeoisie, du bordel à la criminalité, comme on se cogne aux épaules de gens variés quand on marche dans la rue en état somnambulique.
"Non, disparaître, cela seul est vrai. Se perdre dans les rues des villes, s'enfoncer dans les caveaux, dans les travaux obscurs des villes, s'effacer dans les gares, dans les faubourgs. Mais comme je me butais à ce coin de ma prison, je courus à l'autre coin."
Ce livre a mille coins, mille recoins, et vous n'en aurez pas fini de le lire après en avoir tourné la dernière page.