L'Erreur Des Desirs. Romans Sensibles Au Xviiieme Siecle

C'est un roman de Mme Benoist, paru en 1770, qui donne son titre à l'essai qu'on va lire. A l'instar d'une foule de romans publiés au XVIIIe siècle, mais plus particulièrement de 1740 à 1830, L'Erreur des désirs propose une peinture de ces désirs qui s'ignorent, se croisent ou se leurrent parce que les héros et les héroïnes ne savent distinguer la vertu de la vie érotique. Alors que l'histoire littéraire avait imposé une répartition générique stricte entre romans libertins et romans sentimentaux, on interroge à nouveaux frais, depuis une dizaine d'années, la vague sensible qui submergea la littérature européenne dès 1760. Deux choses apparemment contradictoires semblent s'exprimer à la fois dans ces romans : l'énergie du désir et les bienfaits de la vertu. Entre ces forces antagonistes. Le partage est impossible. Les romanciers et les romancières mettent en scène, avec une grande ingéniosité, des épreuves qui donnent à lire l'étrange solidarité du corps, du vêtement et du langage dans le sentiment et l'acte amoureux. Le roman consacre l'avènement du modèle sentimental bourgeois, qui se réalise dans la sphère privée du mariage, mais n'abolit pas pour autant la complexité des passions. Rendu à son origine sexuelle par les thèses sensualistes, mais reporté dans l'ordre spirituel par le refus social d'une liberté qu'on ne tolère qu'à Tahiti, l'amour est représenté dans des tensions que nul n'a mieux révélées que Rousseau dans Julie ou la Nouvelle Héloïse. Les romanciers et les romancières du XVIIIe siècle font de l'amour le lieu d'une expérience polysémique, où l'erreur du désir est un guide aveugle vers une vérité pressentie.