Paru en 2004 (puis reparu en 2013 pour la présente édition), ce livre se voulait d'abord une réaction aux revendications et aux positions prises par les intellectuels de gauche et d'extrême-gauche (proche d'ATTAC ou de la LCR notamment) lors du mouvement social né de la contestation de la réforme des retraites dite loi Fillon.
Il s'agissait en effet de démontrer les insuffisances des analyses avancées par ces intellectuels, le plus souvent économistes d'obédience marxiste. Ainsi, sous leurs habits anticapitalistes, les diagnostics et solutions de ces-derniers étaient en réalité empreints
d'un économicisme et d'un productivisme qui les éloignaient d'une remise en cause radicale des mécanismes qui gouvernent notre société et de leurs nuisances.
Les auteurs élargissent ensuite leur propos en constatant que ce sont les "gens de gauche" dans leur ensemble qui sont pétris d'une religion du Progrès qui renforce leur aliénation, obnubilés par ce que ce Progrès leur fait "gagner" (abondance de biens, transports toujours plus rapides, possibilités offertes par les nouvelles technologies, etc.) sans réfléchir à ce qu'il, en même temps, leur fait perdre (dégradation de l'environnement, perte de sens dans le travail, atomisation sociale, etc.).
Le livre se termine par une salutaire remise en avant d'une tradition intellectuelle critique, plus à même de saisir "dans quelle sorte de monde nous vivons", car prenant les choses à la racine et rejetant toute forme d'aliénation (marchande, bureaucratique, technologique) : la critique anti-industrielle. Pour cela, ils évoquent un certain nombre d'auteurs dont les écrits radicaux ont été soit neutralisés (Hannah Arendt, Guy Debord), soit mis de côté (Herbert Marcuse et l'Ecole de Francfort), soit carrément oubliés (Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, Christopher Lasch). Matthieu Amiech et Julien Mattern s'inscrivent clairement dans le sillon de cette tradition, notamment lorsqu'ils appellent, à la fin du livre, les individus (réunis en communautés) à retrouver leur autonomie et à se réapproprier la production de leurs conditions d'existence.
Seize ans après, certes la gauche et l'extrême-gauche ont plus ou moins intégré dans leurs analyses une certaine critique de la production et de la consommation de masse (l'écologie étant devenue très à la mode), néanmoins la plupart des écueils relevés par Amiech et Mattern dans leur livre restent d'actualité. A commencer par l'aveuglement total sur les derniers développements de la Technique (intelligence artificielle, collecte massive de données, transhumanisme, informatisation et artificialisation croissante de la vie) par rapport auxquels les milieux de gauche et d'extrême gauche manquent cruellement d'esprit critique alors qu'ils sont aujourd'hui les principaux vecteurs de nuisances sociales et environnementales. Mais aussi le recours systématique à la voie planificatrice et bureaucratique pour résoudre les problèmes, notamment environnementaux.
En somme, le Cauchemar de Don Quichotte est une excellente porte d'entrée dans la critique anti-industrielle qui est, à mon sens, le versant le plus intéressant, intellectuellement et pratiquement parlant, de la critique sociale. Alors, même s’il n'est pas toujours facile dans notre vie quotidienne de s'extraire de ce monde qui ne va pas, on peut au moins intellectuellement en sortir pour mieux le saisir et exercer notre jugement critique. Ce livre nous le permet assurément.
Les moulins sont devenus des géants.
Paru en 2004 (puis reparu en 2013 pour la présente édition), ce livre se voulait d'abord une réaction aux revendications et aux positions prises par les intellectuels de gauche et d'extrême-gauche (proche d'ATTAC ou de la LCR notamment) lors du mouvement social né de la contestation de la réforme des retraites dite loi Fillon.
Il s'agissait en effet de démontrer les insuffisances des analyses avancées par ces intellectuels, le plus souvent économistes d'obédience marxiste. Ainsi, sous leurs habits anticapitalistes, les diagnostics et solutions de ces-derniers étaient en réalité empreints d'un économicisme et d'un productivisme qui les éloignaient d'une remise en cause radicale des mécanismes qui gouvernent notre société et de leurs nuisances.
Les auteurs élargissent ensuite leur propos en constatant que ce sont les "gens de gauche" dans leur ensemble qui sont pétris d'une religion du Progrès qui renforce leur aliénation, obnubilés par ce que ce Progrès leur fait "gagner" (abondance de biens, transports toujours plus rapides, possibilités offertes par les nouvelles technologies, etc.) sans réfléchir à ce qu'il, en même temps, leur fait perdre (dégradation de l'environnement, perte de sens dans le travail, atomisation sociale, etc.).
Le livre se termine par une salutaire remise en avant d'une tradition intellectuelle critique, plus à même de saisir "dans quelle sorte de monde nous vivons", car prenant les choses à la racine et rejetant toute forme d'aliénation (marchande, bureaucratique, technologique) : la critique anti-industrielle. Pour cela, ils évoquent un certain nombre d'auteurs dont les écrits radicaux ont été soit neutralisés (Hannah Arendt, Guy Debord), soit mis de côté (Herbert Marcuse et l'Ecole de Francfort), soit carrément oubliés (Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, Christopher Lasch). Matthieu Amiech et Julien Mattern s'inscrivent clairement dans le sillon de cette tradition, notamment lorsqu'ils appellent, à la fin du livre, les individus (réunis en communautés) à retrouver leur autonomie et à se réapproprier la production de leurs conditions d'existence.
Seize ans après, certes la gauche et l'extrême-gauche ont plus ou moins intégré dans leurs analyses une certaine critique de la production et de la consommation de masse (l'écologie étant devenue très à la mode), néanmoins la plupart des écueils relevés par Amiech et Mattern dans leur livre restent d'actualité. A commencer par l'aveuglement total sur les derniers développements de la Technique (intelligence artificielle, collecte massive de données, transhumanisme, informatisation et artificialisation croissante de la vie) par rapport auxquels les milieux de gauche et d'extrême gauche manquent cruellement d'esprit critique alors qu'ils sont aujourd'hui les principaux vecteurs de nuisances sociales et environnementales. Mais aussi le recours systématique à la voie planificatrice et bureaucratique pour résoudre les problèmes, notamment environnementaux.
En somme, le Cauchemar de Don Quichotte est une excellente porte d'entrée dans la critique anti-industrielle qui est, à mon sens, le versant le plus intéressant, intellectuellement et pratiquement parlant, de la critique sociale. Alors, même s’il n'est pas toujours facile dans notre vie quotidienne de s'extraire de ce monde qui ne va pas, on peut au moins intellectuellement en sortir pour mieux le saisir et exercer notre jugement critique. Ce livre nous le permet assurément.