Pour un résumé du livre, je me contente de reprendre la très bonne quatrième de couverture :
" La nature humaine ? Fiction dangereuse. La raison analytique ? Instrument d'uniformisation culturelle. La vérité ? Objet relatif masquant les dispositifs de pouvoir. Le langage ? Geôlier de la créativité. L'universalisme ? Alibi de l'Occident pour dominer le monde. Le corps ? Pâte à modeler au gré des innovations technologiques. Tels sont les lieux, devenus communs, de la pensée de la déconstruction.
Déconstruire... D'un concept plutôt ésotérique, les gauches "radicales" ont fait
un programme systématique consistant à suspecter un rapport de domination sous chaque idée ou comportement. Si elles permettent de redoubler de subtilité sur les questions de moeurs - le domaine "sociétal" -, les théories de la déconstruction rendent les armes devant la marchandisation généralisée, l'emprise des industries culturelles et l'artificialisation du monde.
Qui évoque la nécessité d'une décélération, parle d'aliénation, remet au coeur de l'analyse le corps vécu dans un environnement limité, commet dès lors le crime ultime : réintégrer un moment conservateur dans la critique. Occupées à déconstruire et à se déconstruire à l'infini, les gauches "radicales" ont négligé le terrain du social, qu'une extrême droite opportuniste a investi en exploitant la détresse des perdants de l'histoire.
Cet ouvrage tente de comprendre comment nous en sommes arrivés là, de donner les raisons de ce sabordage intellectuel et politique, en analysant l'influence de la déconstruction sur la critique sociale contemporaine. Il en appelle par là même à un renouveau de la lutte contre le capitalisme sur de tout autres fondements théoriques."
Depuis 2015 et la parution de ce livre, rien n'a changé, bien au contraire. Des tribunes de journaux généralistes aux revues universitaires en passant par les ouvrages de critique sociale les plus en vus, les tenants de la "déconstruction" et autres penseurs post-modernes sont partout et règnent en maître.
Il est donc plus que nécessaire de relire attentivement cet essai de Renaud Garcia pour bien se faire une idée de qui on a affaire et de l'évolution qui a eu lieu dans le monde de la critique sociale. Pensant renouveler cette dernière, les disciples de Foucault, Deleuze et Derrida (Butler, Harraway, Negri et Hardt, et leurs épigones) ont opéré "un changement dans la manière d'appréhender le réel et, par voie de conséquence, dans la manière d'exercer le jugement critique" (p.9) ainsi que dans la manière d'agir politiquement pourrait-on ajouter, ne se rendant pas compte, qu'en cela, ils ont contribué à renforcer l'aliénation marchande et technologique. A l'heure où le transhumanisme et la reproduction artificielle de l'humain sont plus que jamais sur le devant de la scène et défendus par ces intellectuels et militants, ce constat ne fait que se confirmer.
Précision importante : la critique de Renaud Garcia se fait ici "d'un point de vue anarchiste et, dans un sens très précis, socialiste. Par "socialiste", on entend le postulat philosophique selon lequel l'homme est un être dont la nature ne se construit que par les liens avec ses semblables" (p.12). On peut, de là, souligner un autre mérite du livre : tracer, à rebours de la French Theory et des penseurs post-modernes, une autre tradition critique allant de Kropotkine et Reclus jusqu'à Ivan Illich en passant par Orwell, le romantisme révolutionnaire et l'Ecole de Francfort ; tradition beaucoup plus féconde pour saisir "le monde tel qu'il ne va pas".
Misère du post-modernisme
Pour un résumé du livre, je me contente de reprendre la très bonne quatrième de couverture :
" La nature humaine ? Fiction dangereuse. La raison analytique ? Instrument d'uniformisation culturelle. La vérité ? Objet relatif masquant les dispositifs de pouvoir. Le langage ? Geôlier de la créativité. L'universalisme ? Alibi de l'Occident pour dominer le monde. Le corps ? Pâte à modeler au gré des innovations technologiques. Tels sont les lieux, devenus communs, de la pensée de la déconstruction.
Déconstruire... D'un concept plutôt ésotérique, les gauches "radicales" ont fait un programme systématique consistant à suspecter un rapport de domination sous chaque idée ou comportement. Si elles permettent de redoubler de subtilité sur les questions de moeurs - le domaine "sociétal" -, les théories de la déconstruction rendent les armes devant la marchandisation généralisée, l'emprise des industries culturelles et l'artificialisation du monde.
Qui évoque la nécessité d'une décélération, parle d'aliénation, remet au coeur de l'analyse le corps vécu dans un environnement limité, commet dès lors le crime ultime : réintégrer un moment conservateur dans la critique. Occupées à déconstruire et à se déconstruire à l'infini, les gauches "radicales" ont négligé le terrain du social, qu'une extrême droite opportuniste a investi en exploitant la détresse des perdants de l'histoire.
Cet ouvrage tente de comprendre comment nous en sommes arrivés là, de donner les raisons de ce sabordage intellectuel et politique, en analysant l'influence de la déconstruction sur la critique sociale contemporaine. Il en appelle par là même à un renouveau de la lutte contre le capitalisme sur de tout autres fondements théoriques."
Depuis 2015 et la parution de ce livre, rien n'a changé, bien au contraire. Des tribunes de journaux généralistes aux revues universitaires en passant par les ouvrages de critique sociale les plus en vus, les tenants de la "déconstruction" et autres penseurs post-modernes sont partout et règnent en maître.
Il est donc plus que nécessaire de relire attentivement cet essai de Renaud Garcia pour bien se faire une idée de qui on a affaire et de l'évolution qui a eu lieu dans le monde de la critique sociale. Pensant renouveler cette dernière, les disciples de Foucault, Deleuze et Derrida (Butler, Harraway, Negri et Hardt, et leurs épigones) ont opéré "un changement dans la manière d'appréhender le réel et, par voie de conséquence, dans la manière d'exercer le jugement critique" (p.9) ainsi que dans la manière d'agir politiquement pourrait-on ajouter, ne se rendant pas compte, qu'en cela, ils ont contribué à renforcer l'aliénation marchande et technologique. A l'heure où le transhumanisme et la reproduction artificielle de l'humain sont plus que jamais sur le devant de la scène et défendus par ces intellectuels et militants, ce constat ne fait que se confirmer.
Précision importante : la critique de Renaud Garcia se fait ici "d'un point de vue anarchiste et, dans un sens très précis, socialiste. Par "socialiste", on entend le postulat philosophique selon lequel l'homme est un être dont la nature ne se construit que par les liens avec ses semblables" (p.12). On peut, de là, souligner un autre mérite du livre : tracer, à rebours de la French Theory et des penseurs post-modernes, une autre tradition critique allant de Kropotkine et Reclus jusqu'à Ivan Illich en passant par Orwell, le romantisme révolutionnaire et l'Ecole de Francfort ; tradition beaucoup plus féconde pour saisir "le monde tel qu'il ne va pas".