Négro toi-même

Enfant, elle a failli se noyer. Elle flottait sous l'eau, inerte, les yeux grands ouverts. Autours, d'autres enfants faisaient la ronde. C'est une scène qu'elle aimerait voir au cinéma. Elle m'a dit : " C'est pas grave de se noyer, moi, j'adore l'eau ! " Mais c'est qui ? C'est une artiste. Et qu'est-ce qu'elle fait ? Elle a dit à chacun, écrivain ou critique d'art : " Négro toi-même ". Et c'est chaque fois comme si l'un ou l'une d'entre eux, s'avançait et disait : " et moi... ". Et il raconte comment ça le regarde, noircissant autant de pages qu'il veut. A partir des œuvres, on mesure ce qui les réunit, mais aussi ce qui les sépare. Et elle est dans tout ça ? Partout. Et moi ? Tu vas voir. Au XIXe siècle, un " attentat à l'encre " consistait à jeter une bouteille d'encre au visage d'un homme politique ou d'une statue de marbre blanc. Négro toi-même pourrait bien être un attentat à l'encre dirigé vers la critique, sommée ici de se mouiller.