Notre pain

"Le pain est né dans la cendre, sur la pierre. Il est plus ancien que le livre et l'écriture" : ce sont les premiers mots d'un récit grandiose, d'une Odyssée du pain qui mêle l'histoire, les sciences de la nature. les religions, l'art et la littérature, la géographie, la symbolique, la poésie et la connaissance du monde. Au fil des pages, un récit dense et savant délie la lourdeur de l'érudition ou le poids du savoir, et introduit lentement le lecteur dans un monde magique où le savoir se soude à la vie, où l'on saisit tout à coup les liens qui unissent l'homme à la terre, la biologie à la culture et aux rites...
On comprend pourquoi ce livre arrive à l'âge de la sagesse - Predrag Matvejevitch lui-même affirme qu'il est le fruit de vingt ans de travail et réflexion - : il est le résultat d'une longue préparation et d'une lente maturation, comme le pain qui a besoin de soin et de patience. Mais à l'origine de ce vagabondage sur les routes du pain en Méditerranée, de la Mésopotamie aux tables de toutes les civilisations, il y a une image indélébile, imprimée dans la mémoire de l'auteur depuis l'enfance et sans cesse renouvelée dans son parcours d'homme exilé : la carence de pain.
La saga du pain est un récit sans frontières qui ne manque pas d'actualité : face au drame des migrations dans le Mare Nostrum, devenu pour des milliers de migrants un cimetière liquide, la narration de l'épopée du pain de Predrag Matvcjevitch acquiert la force d'un appel et nous invite à retrouver le sens du "pain de l'hospitalité", sachant que ce n'est jamais le pain qui va au migrant, mais l'inverse.