Taille de l'homme - Poche

Taille de l'homme (1933), Questions (1935), Besoin de grandeur (1937), méditations sur l'actualité sont de grands livres, et plus qu'on ne croit, des livres de poète. Devant un monde menacé, Ramuz interroge, s'interroge, cherche à comprendre. Il voit d'un côté disparaître, niée, entraînée dans un rythme qui la supprime, l'humanité qui fut la sienne, celle des romans : un homme paysan, affronté d'abord à la nature, librement associé à une communauté qui respecte en lui l'homme libre. Et il voit naître à sa place l'humanité des grands Etats modernes, sous son triple aspect américain, soviétique, fasciste. Une protestation s'élève dans son cœur contre cet homme nouveau, qui sacrifie, semble-t-il, à des abstractions, sa liberté essentielle et toutes ses exigences à la fois religieuses et concrètement terrestres. Peut-être la protestation de Ramuz, au nom de la lenteur de vivre, au nom d'une certaine nature commune à toutes les civilisations connues jusqu'ici, paraîtra-t-elle à certains d'autant plus " réactionnaire " que dédaignant les analyses subtiles et les définitions savantes, il ramène le débat au plan de l'élémentaire et du lieu commun. Mais beaucoup plus qu'à des nostalgies passéistes, Ramuz est fidèle à une sorte d'anarchisme congénital et aristocratique, qui est la naturelle revendication d'autonomie d'une personne vivante. Il y a davantage encore : face au monde moderne, Ramuz n'affirme pas l'excellence des mondes défunts. Hostile à tout esprit bourgeois, pour s'y être durement affronté dans sa jeunesse et plus tard, il a toujours manifesté une grande sympathie aux mouvements révolutionnaires, dans la mesure où ils lui paraissaient porteurs d'un légitime instinct de justice et d'une volonté de création neuve. Mais cette tendance à accepter l'expérience nouvelle, que confirmait encore chez lui un certain penchant à se passionner pour les découvertes techniques, ne l'a pas empêché de comprendre que les grands conflits de notre temps sont des conflits spirituels.