En cours de chargement...
" C'est vraiment un piège à la con, la littérature: moi, par moments, ça me flanque la nausée, je t'assure (et ce n'est pas de la littérature !). J'ai perdu toute l'année dernière à rédiger un manuscrit merdeux, du dégueulis impubliable. Le relisant, j'ai trouvé ça tellement nul que je me suis demandé si je n'étais pas en train de devenir gâteux ! (...) Oui, un piège à cons, il n'y a pas d'autres mots: tout ce mécanisme, les relations auteur/éditeur, oui, tout cela, quelle pitoyable comédie (et en plus elle se joue devant une salle vide !).
On a parfois l'impression que l'écriture est le dernier refuge de ceux qui ne savent rien faire: statut pas très glorieux, il faut bien le reconnaître, surtout quand le succès n'est pas au rendez-vous, comme c'est presque toujours le cas. La dernière fois que j'ai réellement éprouvé du plaisir à écrire (une jouissance, oui, même si le mot est bien galvaudé), cela remonte à Jérôme (qui est, comme par hasard, ce que j'ai fait de mieux).
Tu vois que cela ne remonte pas à hier !... Mais depuis... Oh là là !...". Lettre de Jean-Pierre Martinet à Alfred Eibel,15 juin 1987.
+++++++
On doit aux éditions Finitude la réédition du génialissime Jérôme de Jean-Pierre Martinet mais pas seulement ! Voilà donc la correspondance jusque là inédite de Martinet avec son ami l'éditeur Alfred Eibel. Capharnaüm, revue élégante et rare dans le paysage éditorial français y propose quatre photos inédites de l'écrivain maudit, sorte de gros ours mal rasé luttant dans un monde qui ne lui aura pas fait beaucoup de cadeaux, auquel lui en aura par contre donné plusieurs.
La correspondance de Martinet a ceci de fascinant que l'on y découvre un homme solitaire et touchant, en proie à des difficultés financières (Pauvert qui ne lui versera presque pas d'argent après avoir "saboté" lui même la diffusion de La Somnolence, vendu à 427 exemplaires avant d'être pilonné) et familiales (une soeur qui passera sa vie en hôpital psychiatrique). Martinet se révèle un homme hargneux dont les avis sur ses proches sont aussi acerbes que sa désespérance est radicale. Pour autant, alors qu'il ouvre une Maison de la Presse et se résout à ne vendre que des journaux sans intérêt et des San Antonio, Martinet n'en garde pas moins un respect pour les petites gens qui passent la porte de son magasin sans même un regard pour les Jim Thompson et autres Léo Malet qu'il expose et tente de leur faire découvrir. Ces gens-là seront toujours pour lui plus respectables que les intellectuels parisiens et le milieu du cinéma dont il a claqué la porte avec un soulagement non dissimulé...
Bref, il faut saluer Finitude pour cette entreprise miraculeuse et LIRE Jean-Pierre Martinet sous peine de se priver d'un bonheur unique en son genre!