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Ce n'est pas l'histoire d'une vie.
Charles a vu le jour, comme d'autres le quittent, par accident. En réalité, il n'est pas né, parce qu'on ne désirait pas qu'il naisse. Son enfance, il la passe dans les limbes ; il y assiste en coupable.
C'est à la mort de ses parents, qu'il pousse son premier cri ; un petit coup sonne à sa vie, comme à une barque endormie. Herden, le professeur d'allemand, décide de l'adopter.
Charles sort de la nuit.
Ce monde de la douceur, il le boit et le mange, il s'y meut librement. Mais Herden se marie : une nouvelle fois, la naissance de Charles est avortée. Frileux, affamé, auprès de qui pourra-t-il achever sa croissance de larve ? Avec cette avidité terrible des êtres inorganisés, il exige ce qui lui donnera une plénitude de sécurité et de force : la beauté. La jeunesse aussi, mais une jeunesse grave, expérimentée : c'est Laura.
Et, aussitôt, Charles renoue avec le drame, il retrouve son enfance. Car Laura est effrayée. Comme aux êtres très jeunes, à peine émergés du monde animal, la souffrance, la faiblesse lui sont intolérables. Elle repoussera Charles.
Curieusement, ce refus le fait grandir. Tout un monde, endormi en lui, se met en branle : la nourriture qu'il avait reçue indistinctement pendant ses gestations successives, lui a donné des forces suffisantes pour appeler à la conscience un être encore plus faible que lui.
Mais, de ce partage, Laura et Charles ne peuvent vivre conjointement.
Évelyne, la femme de Herden, la femme-enfant, Évelyne, le double de Charles, va le perdre. Mensonge puéril d'un enfant à un autre enfant, prétexte absurde mais désastre du cour, où Charles se précipite dans la mesure où il le redoutait. Comme dans l'histoire de Méléagre, qui a tant frappé Charles dans son enfance, Laura sera - tour à tour - Vénus l'amante, Athéna l'initiatrice et Diane pour finir, celle qui frappe, mais qui fait rentrer l'enfant dans l'immobilité bienheureuse.
Ce roman rend un son particulier, et peut-être unique, dans la littérature contemporaine.