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Tous les lecteurs du Monde, Dieu merci, n'aiment pas mes billets et ceux qui les aiment le moins ont souvent la bonté de me l'écrire. De leur côté, ceux qui les apprécient m'ont fréquemment demandé de les réunir en recueils. Jusqu'ici l'entreprise avait paru impossible car le billet se mange froid. Pourtant, comme j'en ai écrit en bientôt quinze ans quelque mille huit cents, mon éditeur et moi-même avons pensé qu'on en trouverait bien sur le lot quelques dizaines capables de supporter la relecture.
Le genre du recueil étant par définition morcelé et le billet constituant un morceau particulièrement petit, j'ai voulu donner du liant à l'ensemble en prenant un thème général.
Général est le mot propre puisqu'il s'agit de généraux.
Qu'on ne voie point dans ce choix une intention antimilitaire. Il m'a seulement semblé que les généraux avaient pris depuis quelques trente ans une importance excessive dans notre vie. Entre 1939 et 1945 la chose était assez naturelle, mais, plus tard, elle a pris les allures d'une habitude à la fois gratuite et coûteuse, comme celle de la cigarette par exemple.
Et, comme la cigarette aussi, le général est très rapidement devenu une manie, un vice, un fléau social.
Il fallait alerter l'opinion, mais gentiment. Comme on peut toujours douter de la gentillesse d'un billettiste, j'ai appelé Jean Effel à la rescousse car il est gentil par définition. Il est venu. Nous sommes prêts. Mes généraux, à vos ordres.
R. E.