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La part la plus sombre de la vie de Giacometti s'exprime, dès les années 20, dans les multiples métamorphoses de la femme que figurent ses oeuvres. Témoin angoissé, passionné et fasciné de ses ténèbres intérieures, liées à une libido noire, l'artiste a conçu une image hallucinante et meurtrie de la condition humaine. Après-guerre, ses célèbres sculptures représentant des femmes verticales et tétanisées traduisent un éros funèbre, conjuguent nudité et cadavre et perpétuent la mémoire des victimes dont la prostituée est l'emblème transgressif.
La puissante résonance de l'art de Giacometti dans nos imaginaires ne dépend pas de sa quête phénoménologique ou ontologique. Dans son art, le tragique de l'époque se réfracte et se lit dans son face-à-face incandescent, sexué et mortel entre l'homme et la femme. Une expérience cardinale, vécue par l'artiste à Padoue en 1920, traverse toute son oeuvre : elle révèle un terrifiant chaos, qui associe définitivement dans on imagination, la femme et l'effroi, l'éros et la mort, l'art et la monstruosité énigmatique du sphinx.
La création de Giacometti est sous l'emprise d'une "thanatocratie" sans transcendance, source du surréalisme funèbre de sa période avant-gardiste et de l'expressionnisme noir d'une partie de sa production, après 1945.