Ce livre illustre et confirme les hypothèses, exposées dans les précédents ouvrages de Gilbert Durand (Les Structures anthropologiques de l'imaginaire, L'imagination symbolique... ), relatives à la réalité et la primauté instauratives de l'imaginaire aussi bien qu'au "trajet anthropologique" qui relie la nature du Sapiens à ses cultures.
Dépassant à la fois un structuralisme formel, désincarné, et une "psychocritique" trop distante des bassins de réception culturels, l'auteur perfectionne d'abord une "mythocritique" appliquée à diverses oeuvres littéraires (Xavier de Maistre, Baudelaire, Stendhal, Proust, Gide, Hesse, Meyrink, Jung, Shelley, Zola ... ) et picturales (Bosch, Dürer, Rubens, Rembrandt, Goya ... ). Cette mythocritique consiste à repérer dans une oeuvre les redondances sémantiques révélant, implicitement ou explicitement, des homologies avec un mythe de référence.
Dès lors qu'on les compare, les mythocritiques laissent entrevoir des constellations identificatrices d'une époque; elles permettent ainsi une "mythanalyse" qui montre comment se succèdent les grands mythes liés à toute compréhension de l'histoire des sensibilités et des idées : Prométhée, puis Dionysos à qui succède Hermès... Les visages de l'oeuvre, que met à jour la mythocritique, et les figures mythiques dont la mythanalyse signe une époque, se regardent et, par ce regard croisé, "nous regardent" en notre singulière modernité.