Le piéton de Genève

On ne prend bien la mesure d'une ville qu'à pied : Genève est une cité où l'on trace son chemin sereinement, devenant l'espace vrai du flâneur. Genève est une ville d'eaux : elle suit le cours des choses, multiple et fluide. Fleuve, rivière, lac et fontaines dispensent lumières et métamorphoses. Ainsi, le Rhône descendu des Alpes a traversé le Léman et s'en échappe ici pour filer vers la mer. Comme les hommes et comme les idées, il a creusé sa passe et plus rien ne l'arrête. Terre natale du calvinisme aux aspirations austères. Terre d'élection des banquiers et des commerçants depuis le XVIe siècle. Terre d'accueil pour les fortes têtes, huguenots, anarchistes, garibaldiens, communards, communistes... Genève rosit jour après jour de ses contradictions et lance en l'air, non sans désinvolture, un peu des eaux du lac pour que miroitent toutes les couleurs de l'arc-en-ciel devant les franches tours de la cathédrale Saint-Pierre. Nous foulerons le pavé mais aussi les jardins qui font la ville généreuse et, s'il fait beau, les jolis bateaux blancs nous emmènerons entre vignes et montagnes goûter de la sérénité. Au fil des rues, Lénine rencontrera Voltaire, Calvin verra les dernières heures de Sissi, les horlogers de la rue du Rhône rempliront l'escarcelle d'Henry Dunant tandis qu'Amiel, sans le savoir, côtoiera Dostoïevski, et que Jean-Jacques Rousseau, le " fils de la maison ", sans le vouloir, cautionnera les banques des multinationales. Pas à pas, la ville déroule sa mémoire et le marcheur sent ses yeux se déciller ; des réalités insoupçonnées se manifestent, entre grâce et étonnement