Le secret de maître Jean Milési ou du bon grain à moudre !
Jean Milési que l'on connaissait déjà en tant que poète et dramaturge se fait conteur dans son recueil de nouvelles Les détails du diable publié en mars 2020 aux éditions du ThoT.
C'est un conteur aussi extraordinaire et passionnant qu'Alphonse Daudet. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le recueil s'ouvre sur une suite de « l'Élixir du Révérend père Gaucher » avec ses « Patatin, patata, taraban, tarabin »... mais il contient maints récits comme « La cène du Saint-Père » ou « Le jihad » que l'on lira
avec autant de plaisir que ceux des Lettres de mon moulin. Certains comme « La onzième plaie » pourraient constituer le pendant moderne des « sauterelles » ; d'autres comme « Les coquilles », « Les choucas », « Le couvent disparu » ; rappellent certains contes fantastiques de Daudet.
Car c'est aussi à un remarquable auteur de nouvelles fantastiques que l'on a affaire dans ce recueil.
Ces récits étranges comme « Mamora », « Le rendez-vous », « Court-circuit » ou « Le contrôleur » font de Jean Milési un Dino Buzzati ou un Maupassant moderne... Le diable tentateur déjà si cher à Dino Buzzati – celui justement de la nouvelle « Les choucas », de celle du « contrôleur », du « père Gaucher », de « La onzième plaie », des « coquilles » ou du « couvent disparu » (et qui se cache encore fort habilement dans bien d'autres récits) – est, comme le dit l'auteur lui-même « partout » et « l'action du diable est le point commun entre mes nouvelles. Il agit directement ou en sous-main, s'appuyant alors sur ses alliés ordinaires, les hommes » (« La Dépêche », 04/05/2020). Quant à Maupassant, le souci du réalisme sociologique voire du naturalisme apparaît également dans certains récits – dont le plus atroce se situe vers la fin du recueil...
On trouve encore des récits très émouvants ou la part belle est faite à l'autobiographie réelle ou fictive comme dans « Les galapiats », « Mignonne », « Le DAB », « Le cloud » ou « Fiançailles par ricochet » dont certains vous feront éprouver toutes les émotions en passant du rire aux larmes ou l'inverse, c'est selon car le propre de l'écrivain est aussi un brillant humour voltairien... Mais il nous le dirait lui-même comme le dit le diable dans la nouvelle « La onzième plaie » qu'il n'a pas besoin d'agir et que la simple observation de ce que les hommes imaginent ou font permet de dresser un implacable constat satirique.
Dans notre société hyper-connectée et matérialiste, il est bon de pouvoir revenir aux sources, ici celles d'une terre proche de celle de Daudet, empreinte d'une certaine ruralité parfois mais dont l'auteur restitue, tel un Giono, toute la beauté. Ce n'est cependant pas le seul lieu du recueil qui nous fera voyager de Saint-Pierre-des-Cats à Paris ou de Meknès au Maroc à la Grèce.
Que dire encore de cette écriture : elle permet à la fois une lecture aisée – elle se veut modeste – tout en utilisant un vocabulaire extrêmement précis – minutieusement choisi à la façon des classiques, à la façon d'un Mérimée dont on aurait ôté la difficulté syntaxique.
Mais ce serait faire injustice ici à l'auteur de continuer à le placer sous la référence certes élogieuse d'auteurs passés car le style de Jean Milési est unique : il sait vous transporter en quelques mots vers des paysages toujours plus beaux ou plus variés les uns que les autres ; il vous berce – une discrète poésie est encore à l'œuvre – et vous entraîne : une fois ce livre ouvert, vous ne pourrez plus le refermer.
Chaque nouvelle est un véritable bijou ciselé et présenté dans son écrin – c'est sans doute la définition de la nouvelle alliée à sa brièveté – mais chaque chef d'œuvre reste facile à lire.
Il faut tout de même avouer que la culture hellénistique de l'auteur, notamment dans son récit « Alcibiade » dépasse de loin celle des modernes – dont je fais partie... – mais la lecture n'est jamais ennuyeuse et ce que l'on retiendra de ce recueil, c'est, dans ce foisonnement de récits captivants, une certaine forme d'humanisme camusien où transparaît toute la générosité et tout l'altruisme de l'auteur. Un homme au cœur et à la cervelle d'or...
Un recueil de nouvelles captivant.
Le secret de maître Jean Milési ou du bon grain à moudre !
Jean Milési que l'on connaissait déjà en tant que poète et dramaturge se fait conteur dans son recueil de nouvelles Les détails du diable publié en mars 2020 aux éditions du ThoT.
C'est un conteur aussi extraordinaire et passionnant qu'Alphonse Daudet. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le recueil s'ouvre sur une suite de « l'Élixir du Révérend père Gaucher » avec ses « Patatin, patata, taraban, tarabin »... mais il contient maints récits comme « La cène du Saint-Père » ou « Le jihad » que l'on lira avec autant de plaisir que ceux des Lettres de mon moulin. Certains comme « La onzième plaie » pourraient constituer le pendant moderne des « sauterelles » ; d'autres comme « Les coquilles », « Les choucas », « Le couvent disparu » ; rappellent certains contes fantastiques de Daudet.
Car c'est aussi à un remarquable auteur de nouvelles fantastiques que l'on a affaire dans ce recueil.
Ces récits étranges comme « Mamora », « Le rendez-vous », « Court-circuit » ou « Le contrôleur » font de Jean Milési un Dino Buzzati ou un Maupassant moderne... Le diable tentateur déjà si cher à Dino Buzzati – celui justement de la nouvelle « Les choucas », de celle du « contrôleur », du « père Gaucher », de « La onzième plaie », des « coquilles » ou du « couvent disparu » (et qui se cache encore fort habilement dans bien d'autres récits) – est, comme le dit l'auteur lui-même « partout » et « l'action du diable est le point commun entre mes nouvelles. Il agit directement ou en sous-main, s'appuyant alors sur ses alliés ordinaires, les hommes » (« La Dépêche », 04/05/2020). Quant à Maupassant, le souci du réalisme sociologique voire du naturalisme apparaît également dans certains récits – dont le plus atroce se situe vers la fin du recueil...
On trouve encore des récits très émouvants ou la part belle est faite à l'autobiographie réelle ou fictive comme dans « Les galapiats », « Mignonne », « Le DAB », « Le cloud » ou « Fiançailles par ricochet » dont certains vous feront éprouver toutes les émotions en passant du rire aux larmes ou l'inverse, c'est selon car le propre de l'écrivain est aussi un brillant humour voltairien... Mais il nous le dirait lui-même comme le dit le diable dans la nouvelle « La onzième plaie » qu'il n'a pas besoin d'agir et que la simple observation de ce que les hommes imaginent ou font permet de dresser un implacable constat satirique.
Dans notre société hyper-connectée et matérialiste, il est bon de pouvoir revenir aux sources, ici celles d'une terre proche de celle de Daudet, empreinte d'une certaine ruralité parfois mais dont l'auteur restitue, tel un Giono, toute la beauté. Ce n'est cependant pas le seul lieu du recueil qui nous fera voyager de Saint-Pierre-des-Cats à Paris ou de Meknès au Maroc à la Grèce.
Que dire encore de cette écriture : elle permet à la fois une lecture aisée – elle se veut modeste – tout en utilisant un vocabulaire extrêmement précis – minutieusement choisi à la façon des classiques, à la façon d'un Mérimée dont on aurait ôté la difficulté syntaxique.
Mais ce serait faire injustice ici à l'auteur de continuer à le placer sous la référence certes élogieuse d'auteurs passés car le style de Jean Milési est unique : il sait vous transporter en quelques mots vers des paysages toujours plus beaux ou plus variés les uns que les autres ; il vous berce – une discrète poésie est encore à l'œuvre – et vous entraîne : une fois ce livre ouvert, vous ne pourrez plus le refermer.
Chaque nouvelle est un véritable bijou ciselé et présenté dans son écrin – c'est sans doute la définition de la nouvelle alliée à sa brièveté – mais chaque chef d'œuvre reste facile à lire.
Il faut tout de même avouer que la culture hellénistique de l'auteur, notamment dans son récit « Alcibiade » dépasse de loin celle des modernes – dont je fais partie... – mais la lecture n'est jamais ennuyeuse et ce que l'on retiendra de ce recueil, c'est, dans ce foisonnement de récits captivants, une certaine forme d'humanisme camusien où transparaît toute la générosité et tout l'altruisme de l'auteur. Un homme au cœur et à la cervelle d'or...