Marie Gatard a eu deux vies. La première a pris fin à l'âge de 11 ans, en 1943. Dans son recueil de poèmes, elle dit être née "du ventre d'un paquebot" ("D'où venir" ? éd. Le Nouvel Athanor), qui l'a déposée dans les lumières d'outre-mer, pour une enfance bercée par le bonheur, au cours de laquelle lui naîtra une soeur. La seconde vie commence en France, dans la clandestinité et les cruautés de la guerre, où son père laisse sa vie.
Par sa mère, sculpteur et céramiste, elle va côtoyer l'effervescence créatrice des arts d'après guerre. A 18 ans, elle entre dans le monde du travail, d'abord trois ans dans le cinéma dans le secteur du montage, puis, pendant quarante ans, dans la grande presse dont Paris-Match, la presse scientifique - elle est lauréate de l'Académie de médecine et l'édition, où elle a été notamment rédactrice en chef de dictionnaires encyclopédiques.
Elle est l'auteur de livres concernant l'histoire de la Résistance ("La Guerre, mon père", éd. Le Mercure de France ; "La Pierre qui parle" et "Combats de femmes", éd. "L'Esprit du Livre" ; La Source Mad. éd. Michalon) et de scénarios pour la télévision. Elle a aussi écrit pour le théâtre - dont six pièces en collaboration avec. Josette Boulva - et publié plusieurs poèmes dans des revues spécialisées.
Enfin - et "surtout", dit-elle - elle est mère et grand-mère. Annette André-Pillois est née à Lanmeur dans le Finistère en 1940. Elle quitte la Bretagne en 1956 pour entreprendre des études de commerce à Paris. puis travaille douze ans pour le service technique de la Marine. Mariée à un professeur de russe, elle doit son pseudonyme "Raâk" à son beau-père, un des pionniers de la T.S.F. En 1976, après avoir traversé une grave crise existentielle, elle découvre dans son quartier un atelier de création libre, qui constituera pour elle une véritable thérapie.
Depuis lors, elle ne cesse de pétrir, façonner, violenter l'argile, faisant surgir d'insolites créatures : personnages aux doigts multiples, bouches-sexes rasant le sol, corps siamois, étreintes. fusions de bras et de jambes, ventres ronds et lourds. Venus rappelant les statuettes du Paléolithique... La maternité, le passage, le dédoublement du corps sont des thèmes récurrents chez elle. La découverte du raku (technique d'origine japonaise de cuisson et d'enfumage des poteries) est une nouvelle révélation.
Utilisant des terres d'origines différentes, elle utilise toutes sortes d'oxydes, de pigments et de techniques d'enfumage. Le travail du feu la fascine, par son aspect magique, peut-être. Mais elle s'adonne avec la même passion, à la peinture et à l'écriture, utilisant tous les supports naturels... Sur mus ces matériaux, elle imprime sa marque : elle dessine sur le sable, découpe des algues, pyrograve des poèmes sur des cageots de marché, invente des livres-objets aux couvertures de terre cuite, crée des peuples de coquilles d'huîtres ou de galets, qu'elle photographie elle-même...
Tout dans ses mains devient matière à rendre hommage à la nature et à la Terre Mère, à l'instinct primitif, aux éléments et à la Bretagne, omniprésente. Attentive au moindre signe, elle arpente les plages des Côtes d'Armor - druidesse guidée par son pendule - à la recherche de nouveaux personnages qui n'attendent que son pinceau pour prendre vie.
