Qu'en est-il des intellectuels aujourd'hui ?

L'appellation "intellectuel" serait apparue au XIXe siècle, au moment où des écrivains de renom jugèrent nécessaire d'intervenir lorsque l'urgence le commandait. L'intellectuel acceptait alors de renoncer momentanément à sa solitude créatrice, à la seule tâche qui lui soit propre (la recherche de la vérité à travers la fiction) pour répondre à une injonction extérieure, à des exigences impérieuses, conjoncturelles, de justice et de liberté. L'intellectuel médiatique (l'expert, le spécialiste) a peu à peu supplanté l'intellectuel à vocation universelle, à tel point que l'on confond souvent aujourd'hui l'univers de l'information (la hantise de l'immédiat), où l'on colle à l'événement, au fait divers, en le morcelant et le simplifiant, et l'univers de la réflexion (le temps long) où il faut se mettre en retrait pour mieux en saisir la complexité, la singularité, et pour l'interpréter en profondeur. L'intellectuel à vocation universelle doit-il faire des concessions à la contre-culture de consommation, au langage simplificateur des médias, lui qui pratique la subtilité et le raffinement dans l'écriture, ne reculant pas devant l'aporie et le paradoxe?