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«Imaginons qu'un tableau du XVIIIe siècle finissant et un récit du XXIe siècle commençant portent le même titre, sans avoir le même contenu. Et établissons que si ces oeuvres n'ont pas le même contenu, c'est dans la mesure où le tableau montrerait sans que le peintre ne le veuille ni même ne le sache quelque chose que le récit, et lui seul, aurait la charge de nommer. Tel est le «dispositif» qui sous-tend le livre de Pierre Michon publié en 2009 et intitulé Les Onze.
Il repose sur l'idée que montrer n'est pas dire, et que dire ce qui se montre ne revient pas forcément à décrire ce qui se voit. Mais voilà qu'au milieu de cette sorte de chiasme, au croisement du dire et du montrer, c'est-à-dire à l'impossible point de jonction de la littérature et de la peinture, se dresse l'ombre sublime de la Terreur. Pourquoi ? Que vient faire en ces lieux la politique du pire dont on sait qu'elle se soutient d'une injonction vertigineuse : la liberté ou la mort ? Plus généralement, en quoi le pouvoir a-t-il besoin de l'art, qu'il soit art du discours, donc du temps, ou art de la figure, donc de l'espace ? Il m'a semblé que le texte de Michon s'emploie surtout à révéler ceci : que la hantise d'un certain crime pèse encore et toujours sur le destin de la littérature et de la peinture françaises.
Mais quel est donc ce crime ?»