Enfance Volume 62 N° 1, Janv

Les enfants surdoués, autrement dits à haut potentiel, comment les caractériser ? J'avoue que j'aime la question centrale de ce numéro thématique. Je l'aime parce qu'elle renvoie à l'idée que ce n'est pas si simple. Il y a quelques années encore, pour les enfants doués comme pour les enfants en retard, le critère de caractérisation était le même, le QI. Nous avions succombé à " l'illusion arithmétique ".
Ce qui faisait douter Binet, ce que rejetait Wallon, ce que Zazzo redéfinissait, cette métrique de l'intelligence dans laquelle " deux (ans) plus deux (ans) ne font pas quatre (ans) " était devenu un critère simple de caractérisation de l'intelligence qui devait servir à mieux adapter l'éducation et l'enseignement à ses bénéficiaires, qu'ils soient en avance, en retard, ou en temps. Alfred Binet avait beau être l'auteur avec Simon de l'expression " métrique de l'intelligence ", il avait beau avoir fabriqué des abaques permettant de faire correspondre des âges chronologiques et des niveaux mentaux, il ne cessait de s'interroger sur la façon de combiner âge et niveau.
Il n'admettait pas l'idée d'" âge mental ". Un an après la mort de Binet, c'est William Stern qui a proposé de considérer le niveau mental comme un âge et de diviser l'âge mental par l'âge chronologique. Wallon vitupérait contre ce qui est vite devenu une habitude, popularisée par Terman : calculer un QI. On ne peut pas, disait-il, séparer les comportements de l'ensemble qui les fait naître : ce qu'on observe c'est la réaction de l'ensemble à la déficience (ou à la précocité).
Un peu plus tard, Zazzo réagissait en montrant que les vitesses de développement sont différentes selon les domaines et que l'hétérochronie, ou décalage des vitesses de développement est une meilleure description d'un développement. Toutes ces interrogations et propositions s'exprimaient il y a un demi-siècle à un siècle. Aujourd'hui enfin triomphe l'idée qu'on ne saurait sacrifier l'étude dynamique de l'organisation mentale à l'élégance d'une arithmétique.
Les enfants à haut potentiel ne se caractérisent pas, pas seulement, pas principalement, par leur QI. Merci aux auteurs de ce numéro de nous le dire si bien.