Pratiques N° 14/15, Septembre

L'infirmière, personnage clé du monde des soins, objet de tous les fantasmes d'une société où savoir médical rime avec mâle et pouvoir, s'est montrée ces derniers temps, dans la rue et dans les médias, sous un jour très différent. Cette évolution méritait bien le numéro double que Pratiques, dans son édition d'automne, consacre à cette profession. Rompant avec l'image d'Epinal de la femme putain (nue sous sa blouse), la femme mère (opulente et protectrice) ou la femme vierge (oblative et dévouée), une équipe composée de médecins, philosophes, chercheurs et aussi bien que des intéressés eux-mêmes propose ici un autre regard. Les infirmières (et... infirmiers d'aujourd'hui), lasses et en colère, annoncent et stigmatisent, plus lucidement peut-être que nul autre acteur de la santé, la crise du soin. Elles dénoncent les dérives de " l'entreprise santé ", devenu un marché proposé à des patients qu'on appelle désormais des " clients ". Secouant des pouvoirs qu'elles jugent caducs, elles reprennent une parole longtemps confisquée par la hiérarchie médicale, et aident ainsi les patients à la reprendre aussi. Ce numéro est un S.O.S. pour une réhabilitation de la fonction soignante et une refondation du soin, comme pratique dynamique et collective où les compétences de chacun seraient reconnues et où l'humain retrouverait sa place. Entre coups de gueule et coups de joie, les rédacteurs du hors-dossier, quant à eux, continuent de balancer : ils s'indignent de l'entrée en Bourse de La Générale de Santé qui gère cent quarante-sept cliniques privées en France, et se réjouissent du genou mis à terre par les laboratoires pharmaceutiques : les pays du tiers-monde auront désormais le droit de fabriquer des médicaments génériques pour soigner leurs malades du sida. Tandis que Jacques Richaud entame un passionnant feuilleton sur la déontologie médicale.