A l’heure où le nature writing a plus que le vent en poupe, les éditions Jose Corti ont eu la très bonne idée de rééditer, dans l’excellente collection Biophilia, le Pèlerin de John Alec Baker. Si ce dernier n’avait sûrement pas conscience qu’écrire sur la nature deviendrait un genre à part entière, prisé par de nombreux auteurs (la plupart mettant d’ailleurs rarement les mains dans la terre), il n’en demeure pas moins un des plus dignes et honnêtes représentants. En effet, si le livre se présente comme le « journal » d’un naturaliste tenu sur quelques mois (d’octobre
à avril), il est en réalité le fruit de plus de dix ans d’observations ornithologiques, par l’auteur, des terres qui environnaient sa maison.
Si, à première vue, la forme du journal peut laisser supposer, à la lecture, des répétitions des mêmes choses vues et des informations triviales, il n’en est rien ici. En effet, l’écriture de Baker repose sur un lyrisme et une poésie si subtile que n’importe laquelle de ses descriptions de paysages et d’oiseaux est d’une rare beauté. Si les décors (paysages du Sud-Est de l’Angleterre) et les acteurs (faucons pèlerins, choucas, ramiers, mouettes…) du spectacle qu’il observe sont toujours les mêmes, les mots qu’utilise Baker pour les décrire, eux, ne le sont jamais.
Baker sait nous emmener dans ses voyages immobiles, nous replantant le décor et nous représentant les acteurs chaque jour différemment. C’est un plaisir de l’accompagner dans cette nature stable et ordinaire, à la recherche de l’événement extraordinaire qui viendra enchanter l’instant. Son principal objet d’observation est le faucon pèlerin qu’il ne cesse de chercher et de suivre, parfois sur plusieurs kilomètres. Baker, en bon naturaliste, décrit ses manières de chasser, de tuer, de voler, les endroits qu’il aime fréquenter et va même jusqu’à essayer de pénétrer la psyché de cet oiseau auquel il s’identifie souvent, les deux partageant un certain goût de la solitude.
Ce récit est enfin l’occasion pour nous, lecteurs de 2020, de mesurer l’étendue des dégâts faits aux populations d’oiseaux. Peut-on, encore aujourd’hui, observer quelque part ces milliers d’oiseaux ensemble qu’observait Baker à côté de chez lui ? Ce dernier évoque les ravages du DDT, traitement chimique agricole, interdit depuis, sur les populations de pèlerins. Depuis, toutes les espèces d’oiseaux, et d’autres animaux, ont vu leur nombre décroître de manière vertigineuse sous les assauts de la civilisation industrielle. Ce texte est, d’une certaine manière, un témoignage nostalgique de ce que cette civilisation industrielle nous a fait perdre, donc, en même temps, un appel à (ré)agir contre cette civilisation.
Poésie ornithologique
A l’heure où le nature writing a plus que le vent en poupe, les éditions Jose Corti ont eu la très bonne idée de rééditer, dans l’excellente collection Biophilia, le Pèlerin de John Alec Baker. Si ce dernier n’avait sûrement pas conscience qu’écrire sur la nature deviendrait un genre à part entière, prisé par de nombreux auteurs (la plupart mettant d’ailleurs rarement les mains dans la terre), il n’en demeure pas moins un des plus dignes et honnêtes représentants. En effet, si le livre se présente comme le « journal » d’un naturaliste tenu sur quelques mois (d’octobre à avril), il est en réalité le fruit de plus de dix ans d’observations ornithologiques, par l’auteur, des terres qui environnaient sa maison.
Si, à première vue, la forme du journal peut laisser supposer, à la lecture, des répétitions des mêmes choses vues et des informations triviales, il n’en est rien ici. En effet, l’écriture de Baker repose sur un lyrisme et une poésie si subtile que n’importe laquelle de ses descriptions de paysages et d’oiseaux est d’une rare beauté. Si les décors (paysages du Sud-Est de l’Angleterre) et les acteurs (faucons pèlerins, choucas, ramiers, mouettes…) du spectacle qu’il observe sont toujours les mêmes, les mots qu’utilise Baker pour les décrire, eux, ne le sont jamais.
Baker sait nous emmener dans ses voyages immobiles, nous replantant le décor et nous représentant les acteurs chaque jour différemment. C’est un plaisir de l’accompagner dans cette nature stable et ordinaire, à la recherche de l’événement extraordinaire qui viendra enchanter l’instant. Son principal objet d’observation est le faucon pèlerin qu’il ne cesse de chercher et de suivre, parfois sur plusieurs kilomètres. Baker, en bon naturaliste, décrit ses manières de chasser, de tuer, de voler, les endroits qu’il aime fréquenter et va même jusqu’à essayer de pénétrer la psyché de cet oiseau auquel il s’identifie souvent, les deux partageant un certain goût de la solitude.
Ce récit est enfin l’occasion pour nous, lecteurs de 2020, de mesurer l’étendue des dégâts faits aux populations d’oiseaux. Peut-on, encore aujourd’hui, observer quelque part ces milliers d’oiseaux ensemble qu’observait Baker à côté de chez lui ? Ce dernier évoque les ravages du DDT, traitement chimique agricole, interdit depuis, sur les populations de pèlerins. Depuis, toutes les espèces d’oiseaux, et d’autres animaux, ont vu leur nombre décroître de manière vertigineuse sous les assauts de la civilisation industrielle. Ce texte est, d’une certaine manière, un témoignage nostalgique de ce que cette civilisation industrielle nous a fait perdre, donc, en même temps, un appel à (ré)agir contre cette civilisation.