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« Je suis venue en Allemagne pour dormir d'une traite », dit la narratrice - une jeune femme argentine sans nom - de cet admirable premier roman.
Pour des raisons qu'on ignore, la narratrice s'est extirpée de sa vie (de sa maison, de son travail, de son ex, de son chien) à Buenos Aires pour atterrir à Heidelberg, ville où elle a vécu les premières années de sa vie lorsque ses parents fuyaient la dictature.
Avec quelques petites économies en poche, aucun plan et la certitude qu'elle ne veut ni étudier ni travailler, elle réussit à trouver une chambre dans une résidence universitaire. Entourée d'étudiants de différentes nationalités, tous plus jeunes qu'elle, elle essaie de trouver sa place, ce qui se complique lorsqu'elle apprend qu'elle est enceinte. Dans ce roman qu'on pourrait qualifier de « non-apprentissage », l'héroïne est une femme qui agit à peine mais à qui il arrive tout un tas de choses extraordinaires.
Au lieu d'avancer elle hésite, mais cette vacillation devient suspense, débordant d'intensité.
Les personnes qui l'entourent - un compatriote provincial, un photographe turco-allemand, une Japonaise angoissée et sa mère, extravagante et intrusive - la conduisent vers des situations improbables qui ne peuvent arriver que quand on est à l'étranger.
Ce livre est aussi une réflexion sur les multiples possibilités et façons de vivre l'immigration, sur la difficulté de vouloir être uniquement dans le présent et sur cette intimité parfois tendre, parfois gênante entre étrangers qui partagent la vie loin de chez eux.
Carla Maliandi s'adresse à l'âme de tous ceux qui ont voulu un jour partir loin, qui ont déjà songé à un nouveau départ.
Carla Maliandi, née au Venezuela en 1976, est une dramaturge, metteuse en scène et professeur universitaire argentine. Une chambre en Allemagne, son premier roman, a été salué par de nombreux critiques comme l'un des meilleurs livres publiés en Argentine en 2017 et a déjà été traduit en anglais et en allemand.
Elle vit à Buenos Aires.
Une petite merveille !
"Je préfère vivre pour toujours en réfugiée, me glisser dans le lit des autres, petit-déjeuner dans des tasses étrangères, des tasses que je n'ai pas choisies et qui m'indiffèrent et ne même pas me rappeler le nom de la rue dans laquelle je me réveille. Je préfère m'étonner en ouvrant la fenêtre, me demander comment est e quartier, comment ce serait de vivre ici avec des histoire, ou avec les histoires des autres parce que de toute façon tout est toujours partout tellement pareil."
De sa vie en Argentine, nous ne connaîtrons que des bribes qui viendront par petites touches brosser le portrait de cette jeune femme venue en Allemagne, à Heidelberg "pour dormir et marcher. Dormir et marcher ne semblent pas grand-chose, mais ce sont deux bonnes choses." Elle est aussi venue mettre ses pas dans ceux de ses parents qui , fuyant la dictature, s'étaient réfugiés dans cette ville , où la narratrice était née et avait vécu ses premières années.
Deux parenthèses enchantées qui se font écho, teintées de mélancolie, de tendresse aussi, mais où rôde en permanence, à la lisière, la mort.
Cette jeune femme est en perpétuel décalage, en léger retrait, par sa nationalité bien sûr, son âge (elle est un peu plus vieille que les étudiants de la résidence où elle a trouvé refuge), mais aussi son humour ("Étudier en Allemagne, pour un Japonais, c'est comme sortir faire la fête" )ce qui lui permet de cultiver l'étonnement qu'elle recherche.
Au fil de rencontres, de ses déambulations dans la ville et ses alentours, nous la suivons et le charme agit puissamment. Nous aussi, à l'instar de Mario, son vieil ami retrouvé, nous aimerions pouvoir la serrer dans nos bras et ressentir cette "tendresse si sincère". 160 pages enchantées.
Un premier roman qui file sur l'étagère des indispensables.