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A l'ordinaire, la logique pense pour nous, nous sommes pensés par elle, à notre insu - " on " nous pense, dit Rimbaud. Cette pensée et son expression constituent le logos, le discours auquel tout le monde sait donner un sens, le discours qui nous rassemble. Le logos est notre seul espace logique jusqu'à l'événement, celui qui marque la fin de l'enfance, celui qui voit apparaître simultanément le " rien " du monde et sa contradiction : être.
L'être, c'est-à-dire le " nous " initial, unique, hors du temps, contredit l'idée qui est en lui et c'est fou ! L'idée a priori, en lui, c'est qu'il n'y a rien. Cette folie nous est ordinairement cachée. Ce qui nous la cache, c'est le néantissement opéré par la logique, par le temps d'abord, et, en nous, par l'imagination. La logique atténue la violence d'être. Le thème principal de ce traité, l'ordinaire, correspond au sens extraordinaire du mot " ordinaire ".
L'ordinaire est, relativement à chacun de nous, ce temps qui précède l'événement de l'accès à l'extraordinaire. Il faut cet évènement pour que l'ordinaire apparaisse. Ce temps de l'ordinaire, comme Rimbaud et comme Kafka, nommons-le " enfance ". Cet événement, nommons-le " naissance ". Bien entendu, cette enfance et cette naissance ne sont pas l'enfance et la naissance au sens ordinaire des mots. Il faut cet événement, il faut la naissance, pour qu'apparaisse le sens extraordinaire des choses, et donc des mots, pour qu'apparaissent l'ordinaire et l'extraordinaire.
Avant cet événement, l'ordinaire est cet espace unique et sans commencement à l'intérieur duquel les choses se montrent à nous depuis toujours. Sans commencement, c'est-à-dire sans naissance. Ordinaire, c'est-à-dire logique, sans surprise - à moins qu'il s'agisse de surprises ordinaires, celles auxquelles, logiquement, on aurait pu s'attendre.