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Un éloge du livre ? Il s'impose. Quand l'humanité est assourdie par le fracas de l'Histoire, lecteurs et écrivains se murent dans le silence, préférant la sérénité des livres à la fureur du monde. S'il est des femmes et des hommes dont l'existence prend de la valeur à la mesure de leurs actions, il en est d'autres, au contraire, qui ont décidé que la vie n'a de sens qu'en retrait, dans les songes, dans les idées - dans les pages.
Etonnante figure que celle des lecteurs et des écrivains, de ces femmes et de ces hommes qui passent leur vie dans les livres, abîmés en eux-mêmes, pour remplacer la vie par une autre vie. Leurs visages sont mythiques, ils sont autant de portraits qui peuplent l'imaginaire européen : don Quichotte, Faust, Hamlet, Julien Sorel, Emma Bovary... Tous n'ont de réalité que par les livres. "J'ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres." Cette phrase des Mots (1964) de Sartre tient lieu d'autobiographie à quiconque consacre tout son temps à la lecture et à l'écriture.
Oui, donc, un éloge du livre. "La superstition de l'Homme du Livre" , comme le rapporte Borges dans La Bibliothèque de Babel, veut qu'"il doit exister un livre qui est la clé, le résumé parfait de tous les autres" , et qu'"un bibliothécaire qui a pris connaissance de ce livre est devenu semblable à un dieu" . Le livre, le livre qu'on lit ou celui qu'on écrit, fait de l'homme un être épris d'infini, un assoiffé de totalité.