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Si les taux de détention sont à la hausse dans la plupart des pays d'Europe occidentale, les mécanismes peuvent en être fort variables. Malgré une érosion récente, la France brille par l'importance de la détention provisoire. Les juristes s'accordent pour voir dans la détention provisoire un "mal nécessaire" : il est choquant d'emprisonner quelqu'un qui n'a pas encore été jugé, mais aucun d'entre eux ne voit comment s'en passer.
Bref, il s'agit de dessiner une frontière quelque part entre les exigences de la liberté et les nécessités de l'ordre. Malgré la multiplicité des réformes législatives depuis la fin du XVIIIe siècle, on n'est curieusement jamais parvenu en France à faire de cette détention un usage aussi économe que chez nos voisins. A l'heure où l'on envisage de modifier à nouveau la procédure pénale, il semblait intéressant de reprendre tous ces débats passés, ces multiples réformes et ces projets encore plus nombreux, d'examiner les avatars de cette dialectique entre ordre et liberté, d'exhumer, au delà de la lettre juridique, les acteurs sociaux qui ont animé ces débats, de rechercher leurs stratégies et les intérêts qu'ils y investissaient.
Dans une matière si instable, où le législateur paraît toujours échouer, rien n'importe peut-être plus qu'une mise en perspective sur longue période. Ce chantier particulier apprend aussi beaucoup sur la naissance de la loi, sur la place et le rôle du droit, sur son rapport aux pratiques. Pendant deux années, sociologues, historiens, politologues et juristes ont travaillé ensemble dans un séminaire du Groupe européen de recherches sur les normativités (GERN) disséquant deux siècles de législation française, comparant avec plusieurs pays voisins.
Voici le résultat de leurs recherches. Réseau scientifique de centres et de chercheurs de différents pays d'Europe de l'Ouest (Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, République fédérale d'Allemagne et Suisse), travaillant sur les normes et les déviances, le GERN est dirigé par Philippe Robert, directeur de recherches au CNRS. Après un ouvrage publié en Allemagne et un autre en Espagne, ce volume constitue le troisième livre du GERN.