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L'une des voies d'accès légitimes à l'oeuvre foisonnante de Heidegger consiste à s'attacher à l'intérêt tout particulier qu'elle porte à la poésie dont il donnera, en effet, à partir du milieu des années trente - mais sans jamais la développer dans toutes ses conséquences - une interprétation originale et tout à fait remarquable. La grande poésie bien comprise n'aurait rien à voir avec le domaine subjectif de l'expression de sentiments, du témoignage d'un vécu intime, mais serait tout au contraire le lieu même de la manifestation de la vérité originelle.
Elle constituerait ainsi l'essence profonde de la langue comme dévoilement d'un monde et comme forme originelle de la pensée, laquelle est toujours pensée de l'étant en son être. C'est en s'efforçant de mettre pleinement au jour et dans toutes ses conséquences le sens d'une telle conception ontologique de la poésie que ce livre aboutit alors au constat que cette voie d'accès à l'oeuvre heideggérienne n'est - peut-être - rien d'autre que la "voie royale" permettant d'en donner enfin une lecture d'ensemble cohérente et complète.
Et il apparaît alors que la déconstruction heideggérienne de la philosophie traditionnelle - qui conduit à rétrocéder vers l'essence poétique de la pensée reniée à partir de Platon - ne s'accomplit pas contre, mais bien pour celle-ci, car elle apporte la réponse originelle à la question de l'être, laquelle a toujours été la question fondamentale de la philosophie, mais que, dès le début, elle posait mal.