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Satisfaits que la connaissance soit un aller vers l'objet, les
hommes se détournent au moment d'en déduire le retour.
Croyant connaître, ils ne font que désirer leur propre échec.
D'où vient qu'ils s'arrogent ainsi la mesure de l'abstrait selon
des conditions finies ? Comment cesser d'entendre "nature"
(et, avec lui, tout son cortège : "être", "matière", "substance",
"objet"...) dans "physique" ? Le stratagème de la raison
s'accompagne ipso facto d'une extase, d'une recherche de
conditions qui, pour la raison, se situent précisément hors
d'elle.
Tenir toutes les mesures dans l'effacement même du
principe : ce n'est pas là simple jeu abstrait, mais discipline qui
voue à l'inhumain. Reconduire les proportions vers le foyer
d'une possibilité qui tranche : ce n'est pas là dessaisissement
par la pensée de sa tâche propre, mais reprise terrible de ce
qui, en elle, est davantage qu'elle. Qu'avons-nous à craindre ?
Qu'est-ce qui nous retient ? Si les hommes ne peuvent vivre
sans "les choses", le physicien doit du moins indiquer ce en
quoi les choses s'évanouissent.
Si la science est une tekhnè, la
physique a, par et en elle-même, renoncé d'emblée à toute
quête de salut. Non par désespoir, mais parce que la lucidité
seule est joie. Le physicien est généreux car il reconnaît en son
interrogation quelque chose de plus précieux que lui-même :
voilà qui devrait inexorablement l'éloigner des hommes.
Personne ne sera sauvé. S'il faut la vérité, elle se fera au prix
de nous.
Alexandre Lissner.