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Prétendre que la poésie en France, après les années d'Occupation, s'est repliée sur elle-même et coupée du public, c'est oublier l'impressionnante vitalité du genre dans ses formes oralisées, hors du livre : car on l'écoute plus qu'on ne la lit. Diffusée à la radio, sur disque et même à la télévision, récitée, lue ou chantée dans les cabarets, adaptée pour la scène, la poésie circule de bouche à oreilles.
Il faut remettre cette poésie oralisée à sa juste place dans la vie culturelle des années 1945-1965 et interroger les effets des pratiques d'oralisation sur la création poétique. Les médias audiovisuels publics ont certes besoin des poètes pour assurer leur service culturel et forger un art qui leur soit propre, et les maisons de disque font commerce de la «voix des poètes». Mais ces derniers ne sont pas en reste : nombre d'entre eux, comme Eluard, Tardieu, Soupault, Aragon, Pichette, Artaud, Prévert, mais aussi Garnier, Dufrêne, Heidsieck, Gherasim Luca, s'emparent de ces nouveaux moyens de diffusion et d'expression pour dire leurs textes, se mettre en scène, inventer de nouveaux rapports avec le public, de nouvelles formes d'écriture et de présence à l'oeuvre.
Outre l'éclairage projeté sur un aspect mal connu de l'histoire de la poésie, le lecteur trouvera dans ce livre une invitation à ouvrir ses oreilles, à affiner son écoute pour goûter l'infinie subtilité des ressources expressives de la voix parlée.