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Des siècles d'études nous ont dévoilé un très grand nombre
d'aspects de Maïmonide (XIIe siècle, le plus grand philosophe
juif médiéval) et de son Guide des égarés. L'édition et
l'examen des sept feuillets de brouillons autographes du Guide
nous révèlent l'homme: Maïmonide écrit de sa main, s'exprime
face à nous, réfléchissant à la forme qu'il va donner à sa
pensée, biffant telle phrase et ajoutant telle autre.
Dès sa
jeunesse, le grand projet du Maître avait été d'extirper du
peuple d'Israël la croyance à la corporalité divine. Ce but est
proclamé dès le début de son premier grand livre, le Mishné
Tora, destiné au grand public. Le livre fut sévèrement critiqué,
en particulier, par les talmudistes babyloniens. De ces
confrontations avec les fidèles des communautés juives
orientales, sort un homme déçu, amer et blessé.
Quand
Maimonide rédige le Guide des égarés, les ignorants et les
rabbins talmudistes sont ses ennemis et aussi les ennemis de
Dieu. Il ne pouvait pas s'exprimer ouvertement. Dans le
chapitre 17 de la partie I, Maïmonide compare son sort à celui
des philosophes anciens, qui vivaient sous les lois païennes.
Eux n'avaient rien à craindre, lui se sentait persécuté. On a
beaucoup parlé des secrets que Maimonide a volontairement
dissimulés dans le Guide des égarés.
Ici, nous touchons du
doigt la manière dont il l'a fait. Les brouillons autographes
s'étalent sur une longue période, nous y voyons Maïmonide
introduire peu-à-peu les traits les plus extrêmes de sa
philosophie mais aussi des concessions faites au vulgaire.
Cette interprétation n'est pas nouvelle (on la trouve déjà au
mie siècle) mais elle n'a pas été acceptée par tous. Ici le
témoignage est irréfutable : c'est l'auteur lui-même qui écrit.
En regardant ces autographes, nous ressentons la douleur et le
ressentiment de l'homme qui voulait montrer à ses
coreligionnaires l'accord profond entre la philosophie et la
religion juive.