Réflexions d'une provinciale sur le Discours de M. Rousseau, Citoyen de Genève, touchant l'origine de l'inégalité des conditions parmi les hommes

Alors qu'au coeur du XVIIIe siècle, un lourd discrédit pèse sur les femmes qui entendent se livrer aux études sérieuses, Octavie Belot, roturière obscure et sans fortune de 37 ans, propose, en début 1756, avec "l'audace d'une femme qui ose penser et même écrire", une réfutation anonyme du Discours sur l'origine […] de l'inégalité parmi les hommes de Rousseau (1755). "Audace" car celui-ci est, à cette époque, "redoutable", selon le mot de son ami Grimm (mars 1754).
En effet, entouré de proches dévoués comme Diderot ou Raynal, R bénéficie, depuis son Discours de 1750, d'une notoriété croissante, nourrie par le succès de son opéra Le Devin du village (1752) et les controverses violentes suscitées, en 1753, par sa Lettre sur la musique française, condamnation acerbe de cette dernière, ainsi que par la préface provocatrice de sa comédie Narcisse. Face à la "gloire" de son "adversaire", devenu collaborateur de l'Encyclopédie, la Parisienne O Belot présente, fort modestement, les Réflexions d'une Provinciale, saluées par des périodiques contemporains ; la brochure développe un argumentaire d'ordre philosophique et politique, rigoureusement construit et rédigé avec talent au nom du "bon sens".
Dans des années troublées que marque le renforcement des censures, l'argumentation d'O Belot qui n'accorde aucune place aux arguments théologiques, se réclame explicitement de Locke et de Pope, tout en s'inspirant essentiellement de Montesquieu et des "philosophes" contemporains (Dumarsais, D'Alembert, Voltaire, etc.). La réédition de ce texte permet de compléter la connaissance de la réception du Discours de R et de mettre la lumière sur une "Dame Auteur", aujourd'hui méconnue.