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Le tourisme est la première industrie mondiale, même s'il est pratiqué par seulement 3, 5 % de la population. Un luxe réservé aux occidentaux qui, depuis l'avènement des congés payés, ont intégré « un devoir d'ailleurs et de loisirs ». Mais qui n'a pas senti ce malaise, dans une boutique de souvenirs ou sur une plage des Caraïbes couvertes de baigneurs blancs? Qui n'a jamais ramené de vacances le sentiment de l'absurde? Car même les mieux intentionnés des voyageurs contribuent malgré eux à la mondophagie touristique.
Et rien ne semble pouvoir arrêter cette conquête démesurée des quatre coins du monde: ni la pollution qu'elle impose, ni la disparition des spécificités culturelles qu'elle vient niveler et encore moins la conscience de l'Autre qu'elle réduit à une relation marchande. Pouvons-nous nous évader du tourisme? Rodolphe Christin nous invite à retrouver l'essence du voyage: préférer le chemin à la destination, et « disparaître » plutôt qu'apparaître partout.
Déraison touristique
"Le tourisme est devenu un phénomène si répandu et finalement si banal qu'il semble aller de soi. Etre en vacances ne suffit pas, il faut "partir en vacances" pour se sentir dans la norme. Ce phénomène historiquement récent ne suscite pas plus d'interrogations que l'interruption d'une partie de shopping pour prendre un verre à la terrasse d'un café."
Ces interrogations, Rodolphe Christin ose les poser et même y répondre dans cet essai percutant et lucide car, depuis son industrialisation et sa massification, le tourisme est à remettre en cause à bien des égards.
Le tourisme moderne s'est développé avec l'avènement du salariat et l'apparition des "congés payés". A ce titre, le touriste est l'alter ego direct du salarié et le monde touristique ressemble de plus en plus au monde du travail. Comme toute bonne industrie, le tourisme a son service "management" chargé d'encadrer les touristes dans leurs pérégrinations organisées et balisées avec comme seule mot d'ordre: efficacité ; son service "logistique" qui rend accessible aux touristes presque la totalité de la planète (au prix de nuisances environnementales graves) ; son service "marketing" jouant sur les désirs des individus et la manipulation du réel à des fins marchandes ; et plus récemment, son service "greenwashing" avec l'invention du "tourisme durable" que l'auteur se plaît à étriller.
En somme, même pendant son "temps libre", l'individu est soumis aux logiques managériale et marchande et à leurs effets aliénants. Et les sociétés qui reçoivent ces flux de visiteurs ne sont pas en reste.
Alors, face aux effets délétères de cette industrie sur les populations et l'environnement, l'auteur plaide pour une désescalade touristique et un retour au voyage où, en partant moins souvent, plus longtemps et pas forcément très loin, l'essentiel résiderait dans le chemin plutôt que dans la destination.