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A mesure que l'informatisation galopante de la société se révèle une source infinie de nuisances, une myriade d'acteurs nous serinent qu'un autre numérique (r)est(e) possible : plus humain, plus écologique, plus transparent, plus coopératif. Les Gafam n'ont qu'à bien se tenir, les alternuméristes se font fort de convertir la méga-machine à profits qu'est Internet en outil convivial au service de la démocratie, du sauvetage de la planète, du bien-être de tous.
Dans ce bref essai mordant, Julia Laïnae et Nicolas Alep taillent un costume mérité aux bureaucrates verts de l'Ademe et du Shift Project, au "filousophe" Bernard Stiegler, aux tenants du logiciel libre, de l'open data et de la civic tech. Ils réaffirment une position encore insoutenable pour bon nombre de nos contemporains : défendre la vie sur Terre et la liberté humaine implique nécessairement de désinformatiser le monde.
Illusions alternuméristes
Dans le sillage de l'excellent Cauchemar de Don Quichotte (M.Amiech et J.Mattern, Climats, 2006) qui rejetait les illusions de l'altermondialisme sur une potentielle "autre mondialisation" plus heureuse et renouvelait une certaine critique émancipatrice du Progrès, ce livre s'attaque à un courant plus récent qui n'est pas en reste quant aux illusions : l'alternumérisme.
En effet, devant les effets nuisibles découlant de la fuite en avant technologique qui s'empare toujours plus de nos vies, plusieurs auteurs et collectifs mettent en avant une autre "numérisation" possible, plus respectueuse de l'environnement et de l'humain (acceptant, en cela, et à l'instar des thuriféraires des nouvelles technologies, l'idée selon laquelle cette informatisation de la société serait inéluctable).
Le propos de ce livre est de révéler le caractère illusoire de ces prétendues réappropriations des outils numériques. Ainsi, selon les auteurs, en promouvant le cyberminimalisme, l'open data, les civic techs et autres logiciels libres, "les alternuméristes cherchent moins à s'opposer qu'à aménager leur servitude connectée".
L'argumentation se fait sous le patronage de Jacques Ellul pour qui la technologie n'est pas neutre mais ambivalente. Autrement dit, la technologie contient intrinsèquement, dès le départ, ses mauvais et bons usages ; vouloir faire disparaître les premiers au profit des seconds serait donc irréaliste.
Au lieu d'une réappropriation des outils technologiques, les auteurs plaident pour une réappropriation de nos conditions d'existence et de nos relations sociales et cela ne peut passer que par un rejet radical de l'informatisation du monde.
Alors, pour reprendre leur mot d’ordre : "Déconnectons-nous, ensemble. Décâblons le monde."